Le marché immobilier est en recul marqué par rapport à 2021 et 2022 avec des prix qui ont amorcé leur baisse. Peut-on parler de bulle immobilière ? Combien de temps va durer cette crise ?
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L’année 2023 a marqué clairement le retournement du marché de l’immobilier après des années de hausse.
Alors que les marchés immobiliers 2021 et 2022 étaient supérieurs à 1 100 000 transactions immobilières, les dernières prévisions du site Meilleurs Agents tablent sur un marché 2023 en recul de l’ordre de 20 à 30% autour de 850 000 transactions.
Quelles sont les raisons de ce retournement de marché ? A quoi faut-il s’attendre pour pour 2024 ? Combien de temps va durer cette crise ? Doit-on parler de bulle immobilière ?
Les raisons de la crise actuelle sont sans doute multiples. Un contexte national et international qui est plus tendu que par le passé. Des prix de l’immobilier qui sont a des niveaux très élevés depuis les hausses de ces dernières années. Une inflation qui impacte le pouvoir d’achat des français.
Mais le principal facteur explicatif de cette crise c’est clairement la hausse extrêmement forte de taux d’intérêt que l’on observe depuis début 2022 qui impacte très fortement le pouvoir d’achat immobilier des acquéreurs.
sur 15 ans | 4,12% à fin novembre vs 2,14% en décembre 2022 et 0,86% en décembre 2021 |
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sur 20 ans | 4,26% à fin novembre vs 2,30% en décembre 2022 et 0,99% en décembre 2021 |
sur 25 ans | 4,38% à fin novembre vs 2,42% en décembre 2022 et 1,13% en décembre 2021 |
(Source : Observatoire du Crédit CSA)
Dans ce contexte, on se retrouve avec des prix qui jusqu’à présent ont peu baissé, de l’ordre de 5 à 6% dans des villes comme Lyon, Bordeaux ou Paris, et des couts d’emprunt qui ont augmenté de plus de 30% sur la même période.
Si l’on prend l’exemple d’un acquéreur qui emprunte 300 000€ sur 20 ans, le cout de son emprunt a augmenté de l’ordre de 120 000€ alors que la baisse de prix est plutôt de l’ordre de 15 000€.
Nous sommes donc face à une situation où les propriétaires ne souhaitent pas baisser leur prix et ou les acquéreurs ne peuvent plus payer ce qui est demandé. Il s'agit d'une situation de blocage qui ne pourra se débloquer qu’avec une baisse des taux d’intérêt - qui n’est pas à l’ordre du jour - ou une baisse des prix.
Un recul du marché de 20% tel que l’évoque le site Meilleurs Agents est très important puisque cela se traduit par 220 000 transactions de moins que ces 2 dernières années.
En juin dernier la FNAIM parlait d’un recul de 15% mais on voit clairement que le chiffre sera plus mauvais en réalité.
Il pourrait encore être bien pire si l’on se réfère à l’observatoire du crédit CSA qui fait état d’un recul de la production de crédit immobilier en recul de près de 50% au 1er semestre 2023.
Un recul de 20% semble être un minimum mais la réalité pourrait s’approcher des 30% .
Si l’on regarde ce qu’il s’est passé ces 20 dernières années, on peut voir en 2009 un marché qui est passé en dessous des 600 000 transactions soit un peu moins de la moitié des points hauts de 2021 et 2022 mais nous n'en sommes pas là.
Coté prix, la baisse est beaucoup plus mesurée. On parle de 8% pour les villes qui ont le plus baissé et de stabilité ou de légère hausse dans des villes comme Lille, Marseille, Nice ou encore Toulouse.
Paris | - 4,5% sur12 mois et un prix moyen de 9 944€/m2 |
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Nice | + 7,9% sur12 mois et un prix moyen de 5 292€/m2 |
Lyon | - 8,1% sur12 mois et un prix moyen de 5 026€/m2 |
Bordeaux | - 8,6% sur12 mois et un prix moyen de 4 797€/m2 |
Rennes | - 3,9% sur12 mois et un prix moyen de 4 184€/m2 |
Nantes | - 5,2% sur12 mois et un prix moyen de 3 992€/m2 |
Strasbourg | - 0,3% sur12 mois et un prix moyen de 3 980€/m2 |
Marseille | + 2,2% sur12 mois et un prix moyen de 3 871€/m2 |
Toulouse | + 0,7% sur12 mois et un prix moyen de 3 765€/m2 |
Montpellier | - 3,1% sur12 mois et un prix moyen de 3 665€/m2 |
Lille | + 0,7% sur12 mois et un prix moyen de 3 583€/m2 |
(Source : Meilleurs Agents - Les Echos)
On peut malheureusement penser que ces niveaux de prix ne seront pas tenables dans les mois à venir.
Pour les propriétaires qui sont dans une situation de mobilité contrainte et qui ne peuvent pas décaler leur vente (prêt relai, mobilité, ….), ceux-ci n’auront malheureusement pas d’autre choix que d’ajuster leur prix à la baisse pour trouver un acquéreur.
Pour les autres ils pourront toujours reporter leur projet mais le retour en grâce de l’immobilier ne semble pas pour tout de suite.
Tout le monde semble s’être fait une raison. Le marché 2023 ne sera pas bon et 2024 pourrait être pire même si on devrait assister à un atterrissage de la hausse des taux des crédits immobiliers autour de 4,5% mi 2024.
La Fed, La BCE ou encore le ministre de l’économie et des finances l’ont indiqué, la priorité reste la lutte contre l’inflation et son corolaire : une politique de taux d’intérêt élevés.
Par ailleurs, si l’on regarde les données historiques, on observe que depuis les années 60, ce sont plus d’une 10 aine de crises qu’a connu le marché de l’immobilier.
Celle que nous traversons actuellement a commencé en réalité à l’été 2022, 6 mois après le début de la hausse des taux puis elle s’est accélérée au 1er semestre 2023 pour arriver à une situation compliquée en cette rentrée 2023.
Très objectivement rien ne laisse penser que le marché immobilier va se débloquer dans les mois à venir.
On parle d’accalmie de la hausse des taux d’intérêt, mais au mois d’août ils ont augmenté de 0,16 point contre 0,18 point en moyenne depuis le début de l’année. L'accalmie n'est donc pas réellement là.
Par ailleurs, même si les taux se stabilisent mi 2024, ils ne permettront pas aux prix de se reprendre ; le retard est trop important.
L’assouplissement des conditions d’octroi de crédit est souvent demandé par les professionnels de l’immobilier et du financement mais il semble peu probable. Allonger la durée du crédit de 25 à 30 ans redonnerait clairement du pouvoir d’achat aux acquéreurs mais on peut se demander si une telle mesure serait très raisonnable.
Si l’on se réfère à ce qu’il s’est passé par le passé, aucune crise de l’immobilier n'a duré réellement moins de 3 années. Nous sommes donc au milieu de la crise.
La seule porte de sortie dans les mois à venir sera la baisse des prix qui sera portée par les propriétaires qui ont une mobilité contrainte ou un prêt relais à rembourser et qui n’auront malheureusement pas d’autre choix que de réviser leur prix à la baisse.
Dans le courant du second semestre 2024 et même si rien ne le l’indique à ce stade, on pourrait espérer un recul des taux d’intérêt si les tensions inflationnistes se sont réellement éloignées, nous n’en sommes clairement pas là.
La seule évolution positive depuis le début de l'année, c'est la baisse du coût relatif du crédit qui diminue rapidement. Il revient même à son niveau des premiers mois de 2018. Il est à 4,2 années de revenus en août 2023, contre 4.7 années de revenus il y a un an à la même époque. Cette baisse du coût relatif est équivalente à un recul des prix de l’immobilier de 11.5 %, mais sans que ce recul permette à la demande de se redresser.
A chaque coup de froid sur les prix de l'immobilier revient sur le devant de la scène l'analyse de Jacques Friggit. Friggit a notamment établi une analyse statistique (le "tunnel de Friggit") qui montre que jusqu’au début des années 2000, il y avait une corrélation forte entre le prix des logements et les revenus.
Depuis le début des années 2000 avec la baisse des taux d’intérêt et l’allongement de la durée du crédit, les prix de l’immobilier se sont désormais décorrélés des revenus et ils se situent entre 30 et 35% au-dessus du tunnel.
Alors qu'est-ce qui pourrait à moyen terme assurer une hausse des prix ?
Dans certains pays (au Royaume-Uni notamment mais également aux Etats-Unis) on milite pour l'allongement de la durée du crédit immobilier. Jusqu'à 40 ans (les prêts à 30 ans ne sont déjà pas rare dans ces pays).
Mais on comprend vite que cette solution n'est pas viable sur le long terme. En effet pourquoi pas 50, 60 ans, une dette immobilière que l'on transmet à ses enfants et petits-enfants ?
Par ailleurs on note que dès que les prix baissent un certain nombre d'acquéreurs reviennent dans le marché : il y a en effet une pénurie structurelle sur le marché de l'immobilier. Le foncier est rare. La population s'accroît plus rapidement que le rythme de construction des nouveaux logements. Et le fossé entre l'offre et la demande va se creuser d'autant plus que l'offre va devenir de plus en plus coûteuse (normes environnementales, coûts de construction).
Un scénario crédible est donc que les prix moyens ont atteint un pic. Qu'il y aura une baisse de prix sur les 3 à 5 prochaines années. Et que la hausse reprendra cette fois-ci corrélée à la hausse des revenus.
Un propriétaire vendeur aujourd'hui doit comprendre que le prix de son bien s'effrite de 1,5% chaque mois. Plus la vente se fait tôt et meilleur en sera le prix. A très long terme la vente se fera peut être à un prix plus élevé mais sûrement moins que l'inflation.
Un acquéreur aurait tort de s'imaginer faire une bonne affaire en attendant. Car la hausse des taux d'intérêt qui doit se prolonger encore va renchérir le coût de son achat, même si le prix du bien convoité baisse. A moyen terme cependant l'acquéreur serait gagnant à attendre, une fois la hausse des taux passée, si ses revenus ont augmenté, il achètera son bien moins cher relativement à son pouvoir d'achat actuel.
En synthèse : un vendeur a intérêt à vendre rapidement quitte à consentir une baisse de prix. Un acquéreur peut se permettre d'attendre mais uniquement s'il est prêt à attendre très longtemps, il lui faut alors considérer les autres coûts engendrés par l'attente (loyers, entretien, dépréciation de son bien actuel s'il est vendeur), pas sûr que ce calcul soit gagnant.
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